Leading for Equity : le regard de Fatou Ndiaye, experte Diversité et Inclusion, pour l’ESG Lab & Society

Comment remettre la question de la justice sociale au coeur des transformations de nos industries? Fatou Ndiaye, conférencière et experte Diversité & Inclusion auprès des Nations Unies et des entreprises nous explique dans cette interview l’importance du volet social des stratégies ESG. Voici le premier volet d’une série de 3 “regards croisés” des conférences de l’ESG Lab & Society fondée par Aurore Bardon, Chief ecosystem officer.

Qui est Fatou Ndiaye ?

Fatou Ndiaye est conférencière et experte Diversité & Inclusion auprès des Nations Unies et des entreprises.

Les conférences “Regards croisés” de l’ESG Lab & Society

L’ESG Lab & Society a été lancé en 2022 par Aurore Bardon, Fondatrice et Chief Ecosystem officer.

Au programme de ce nouveau “Regards croisés” de l’ESG Lab & Society : 3 Portraits / 3 Regards de Femmes puissantes et impliquées dans la transformation des entreprises et de la société.

Fatou Ndiaye (volet 1: Équité, Diversité, Inclusion)

Jeanne Sulzer (volet 2: impact litigation and Human Rights)

Adrienne Horel-Pagès (volet3: L’engagement citoyen).

Une production 2Goodmedia en partenariat avec l’ESG Lab & Society et les conférences “Regards croisés”.

Volet 1: Fatou Ndiaye, experte Équité, Diversité, Inclusion

Delphine Souquet [00:00:49] Bonjour Fatou, peux tu commencer par me donner ton nom et ton rôle, comment tu préfères te présenter?

Fatou Ndiaye [00:00:56] Alors je m’appelle Fatou Ndiaye, je suis experte en diversité et inclusion, donc je travaille principalement avec les organisations pour les aider à se transformer et à améliorer leur culture pour qu’elle soient plus éthiques et plus inclusives. Et je travaille principalement avec des grosses entreprises et les Nations Unies.

Delphine Souquet [00:01:12] Donc aujourd’hui pour cette conférence de l’ESG Lab & Society, tu vas rencontrer des décideurs du monde de l’entreprise. Ce volet social est souvent défini aussi comme le parent pauvre des transformations. Comment tu expliquerais l’importance de ce volet social?

L’importance du volet S de l’ESG

Aujourd’hui, ça reste un challenge. Tout d’abord parce que c’est un investissement

Fatou Ndiaye [00:01:36] Pour moi, le volet social, c’est vraiment le pilier crucial. On ne peut pas parler d’ESG ou de gouvernance sans parler d’humain. Et pour moi, le social, c’est vraiment ce pilier humain. Quand on parle de social, on parle d’éthique, on parle d’équité, on parle de justice sociale. Donc pour moi, ce sujet là, c’est l’égalité. Et comment on arrive à cette égalité, c’est en mettant en place des programmes d’égalité d’opportunités pour créer une société qui soit vraiment inclusive, qui soit vraiment où il y a une réelle justice, où chacun se sente à sa place et où chacun soit reconnu pour qui il est qui elle est .

Delphine Souquet [00:02:11] Et justement ces transformations, est ce que pour toi c’est un challenge pour la société, pour les entreprises, pour les différentes parties prenantes?

Fatou Ndiaye [00:02:22] Malheureusement oui. Aujourd’hui, ça reste un challenge. Tout d’abord parce que c’est un investissement. Quand on parle de ces piliers sociaux, on parle de changer une entreprise. Je parle de changer sa culture pour changer sa culture. Ça passe par des formations, par de la sensibilisation. Donc on parle d’investissement. On parle également de performance parce que dès qu’on travaille sur ce pilier social, on voit tout de suite qu’il y a un effet positif. Je vais donner un exemple sur le pilier social. Quand tu parles d’ESG, le S couvrent également sujet de la RSE. On va parler d’égalité salariale pour arriver à cette égalité salariale ou cette équité salariale. On parle d’investissement. Donc comment rééquilibrer les salaires pour que notamment les femmes soient à des niveaux de salaires qui soient égaux à ceux des hommes pour le même travail. Donc on parle d’investissement, on parle de performance, mais on parle surtout d’égalité et on parle de mettre les hommes et les femmes sur la même égalité, sous le même pied d’égalité.

Leading for Equity

je me réveille le matin en me disant qu’est ce que je peux faire aujourd’hui pour créer un monde qui soit plus équitable

Delphine Souquet [00:03:18] Donc aujourd’hui, Est ce que tu as des convictions et des messages clés que tu as l’opportunité de faire passer? Tu as la chance de pouvoir prendre la parole sur ces sujets. Quels sont les chevaux de bataille qui t’animent?

Fatou Ndiaye [00:03:38] Moi mon motto c’est Leading for Equity. Donc je me réveille le matin en me disant qu’est ce que je peux faire aujourd’hui pour créer un monde qui soit plus équitable? Aujourd’hui, j’ai de la chance, je vais avoir des décideurs en face de moi, je vais avoir des investisseurs. Donc le message que je veux faire, que je veux faire passer, c’est que chacun et chacune peut faire quelque chose à son niveau, qu’on soit dirigeant d’entreprise, qu’on soit investisseur. On a tous un rôle à jouer pour créer ce monde qui soit plus équitable. Quand je parle de plus équitable, c’est en termes d’égalité femmes hommes, en termes de couleur de peau, de culture, de validité.

Le rôle des investisseurs

Tous ce sujets d’équité méritent d’avoir des investissements

C’est tous ces sujets là qui pour moi sont importants et qui méritent d’être mis sur la table, qui méritent d’avoir des investissements. Pour un investisseur par exemple, quand on choisit les entreprises dans lesquelles on va mettre de l’argent, c’est important d’aller chercher des entreprises qui sont éthiques.

Un exemple, ça va être. Vérifier sa chaîne de production. Est ce qu’il y a des travailleurs qui sont des mineurs? Est ce qu’on a des Ouïghours qui travaillent dans la chaîne de production? Ces choses là sont importantes à savoir avant d’investir. Donc, ce pilier social, au final, c’est un pilier qui est très important.

Le tribunal de l’opinion

Donc, ce que je veux dire aux entreprises, c’est Agissez aujourd’hui!

Aujourd’hui, on entre dans un monde où il y a le tribunal de l’opinion, enfin, moi je l’appelle comme ça le tribunal de l’opinion. C’est la société qui a une voix. Grâce aux réseaux sociaux, il y a eu de gros impacts pour des entreprises qui n’ont pas vraiment investi sur ce pilier social, qui n’ont pas vérifié la manière dont c’est fait, l’éthique de la production. Et une fois que c’est révélé au grand public, ce sont des pertes de valeur boursière, des backlash sur les réseaux sociaux, c’est une perte pour la marque employeur, c’est une perte financière… et tout ça, ça peut être prévenu, on peut faire des choses en amont. Donc, ce que je veux dire, c’est Agissez aujourd’hui!

Delphine Souquet [00:05:24] Est ce que tu as l’impression qu’il y a beaucoup d’éducation à faire des dirigeants d’entreprise, des managers dans l’entreprise sur ces sujets là?

Fatou Ndiaye [00:05:33] Tout à fait. J’étais récemment chez Natixis, j’ai fait une conférence pour tous leurs managers français et on m’a invité pour parler de ce sujet là. La diversité et l’inclusion, qui est donc le S de l’ESG donc ce pilier social. Et on m’a invité parce qu’on voulait avoir un point de vue externe sur où en était la France sur ces sujets là, quelles étaient les actions possibles pour des entreprises de la taille de Natixis et qu’est ce qui peut être fait de façon individuelle? Comment est ce qu’on peut changer les mentalités, la culture au niveau individuel pour avoir cette transformation de la culture au niveau de l’entreprise en général? Donc oui, aujourd’hui, c’est un sujet qui est au cœur des discussions.

Les pistes d’actions concrètes pour plus d’équité

Delphine Souquet [00:06:16] Donc dans les pistes d’actions concrètes, il y a la culture d’entreprise. Est ce que tu as identifié d’autres pistes très concrètes?

Fatou Ndiaye [00:06:25] La formation, comme tu le disais tout à l’heure, c’est un des piliers phares. Former ses collaborateurs collaboratrices, c’est également mettre en place des programmes, des programmes qui vont par exemple sur l’égalité femmes hommes. Il y a énormément de programmes qui peuvent être mis en place sur l’EGALITE.

Les programmes de Leadership des femmes

Sur l’égalité salariale, c’est un premier pas qui peut être fait. On va également regarder sur le leadership des femmes. Est ce qu’il y a des programmes qui peuvent être mis en place pour identifier ces femmes leaders au sein de l’entreprise, pour les faire monter en puissance, pour qu’elles arrivent dans la C suite, comme on l’appelle, CODIR, Comex.

Et aujourd’hui, en plus il y a des lois qui encadrent ces sujets, la loi Rixain par exemple, qui pousse les entreprises à avoir plus de 40 % de femmes dans leur conseil d’administration, c’était la loi Copé-Zimmermann et aujourd’hui dans les CODIR, ça devient une obligation légale. Mais pour y arriver, il faut qu’il y ait des programmes qui soient mis en place dès aujourd’hui au sein des entreprises pour avoir une chance d’atteindre ces quotas dans d’ici 2028.

La fresque de l’équité

c’est inspiré du format de la fresque du climat, mais cette fois ci, on s’attaque au sujet de l’égalité femmes hommes

Delphine Souquet [00:07:15] Et en termes de secteurs d’activité, est ce que toi, justement, tu es sollicitée par un secteur d’activité en particulier ou est-ce que ce sont tous les secteurs d’activité qui commencent ou qui s’intéressent déjà à ce sujet?

Fatou Ndiaye [00:07:29] Sur le sujet, par exemple de l’égalité femmes hommes moi j’ai créé la fresque de l’équité, donc c’est inspiré du format de la fresque du climat, mais cette fois ci, on s’attaque au sujet de l’égalité femmes hommes. Donc c’est un atelier de sensibilisation qui dure 2 h et demie et qu’on fait en entreprise, avec pour objectif de sensibiliser mais également de pousser à l’action.

Aujourd’hui, on se rend compte qu’on est contacté par des entreprises de tous bords. On a des entreprises de l’industrie, on a des banques, beaucoup de banques qui viennent nous contacter. On a des entreprises du milieu de la mode, d’industries culturelles. On est contacté par toutes les entreprises parce que c’est un sujet qui est au cœur des préoccupations.

La problématique du recrutement

On a une grosse problématique aujourd’hui en France, c’est le recrutement. Comment on fait pour avoir des personnes, des personnes qualifiées aux postes de responsabilité? Pour y arriver, il faut avoir une bonne compréhension de quelles sont leurs attentes et donc comprendre où en est le marché aujourd’hui. Des ateliers comme celui ci, ça permet d’avoir une meilleure ouverture d’esprit sur les sujets qui touchent les collaborateurs et collaboratrices et ensuite d’engager des actions concrètes qui vont ensuite attirer ces talents.

La position de la France dans le monde sur les questions de Diversité et Égalité

Delphine Souquet [00:08:25] Et j’avais une question particulière pour toi par rapport à ton rôle au sein des Nations Unies. La France, par rapport aux autres nations,  quelle est ta vision de notre position? Est ce que l’on est bien ou pas?

Delphine Souquet [00:08:48] Et quelle est la situation aussi l’enjeu de ce sujet dans le monde? Est-ce que la France peut jouer un rôle?

Avec la loi Copé-Zimmermann, la France a le plus de femmes au conseil d’administration en Europe et c’est ce qui a permis également de faire pivoter la loi européenne

Fatou Ndiaye

Fatou Ndiaye [00:08:55] La France peut jouer un rôle, aujourd’hui en Europe, on n’est pas les meilleurs. Il faut dire la vérité. Aujourd’hui, les pays nordiques ont énormément d’avancées sur ce qui est des sujets égalité femmes hommes, ils sont vraiment comme on dit en anglais Miles away. Ils sont vraiment très loin, sont très en avance sur le sujet. Nous on prend en main le sujet. Mais surtout on a la chance en France d’avoir des lois qui nous permettent de vraiment avancer sur ce sujet. Et ça c’est quelque chose qui est très fort en France, par exemple, lorsqu’on a changé la loi des conseils d’administration il y a dix ans, avec la loi Copé-Zimmermann, la France a le plus de femmes au conseil d’administration en Europe et c’est ce qui a permis également de faire pivoter la loi européenne. Donc aujourd’hui, en Europe, ce quota de 40 %, il a également été mis en place.

Fatou Ndiaye Donc la France a été pionnière, a été leader sur le sujet. Donc on est quand même le pays des droits de l’homme. Donc j’ai envie de dire on a cette place dans la société, on a ce rôle à jouer. Et je pense que si on continue dans cette mouvance de changer les choses, changer les choses et de mettre en place les bons programmes et les bons processus, on a un rôle à jouer et on peut aller encore plus loin.

Fatou Ndiaye Et par contre, il y a un axe sur lequel on est peut-être moins bon que d’autres pays. Par exemple, je prends les Américains, eux, sont très bons sur tout ce qui va être diversité culturelle et sociale. On a quand on. Quand on s’inscrit en tant qu’entreprise aux Etats-Unis, on peut dire que voilà, il y a une entreprise créée par une femme noire, par une femme hispanique. Donc on peut se décrire par rapport à notre diversité sociale. En France, c’est différent, on a des règles qui sont différentes. Mais voilà, on commence à mettre en place des systèmes qui permettent de dire que aujourd’hui, c’est le ressenti. Est ce que tu te sent femme noire? Est ce que tu te sens noir? Est ce que tu te sent d’origine maghrébine? Et donc c’est à ce moment là qu’on peut mettre en place des programmes d’éthique pour faciliter l’accès de ces fournisseurs, par exemple dans des marchés publics et auprès de grandes entreprises.

Le rôle de Fatou aux Nations Unies à l’U.N C FACT

notre travail, c’est de faciliter le commerce international

Delphine Souquet [00:10:42] Et est ce que tu pourrais maintenant approfondir cette casquette Nations Unies pour expliquer quel est le rôle de l’organisation et ce que tu y fais?

Fatou Ndiaye [00:10:58] Donc moi je fais partie d’un groupe au sein des Nations Unies qui s’appelle U.N C Fact. Donc notre travail, c’est de faciliter le commerce international. Donc, comment est ce qu’on fait pour que les pays dits du Sud arrivent à s’intégrer dans le commerce international avec de la meilleure façon possible. Et donc nous, on s’appuie sur la nouvelle technologie.

Donc moi, j’ai une expertise en blockchain. Donc je m’occupe de tout ce qui va être traçabilité, par exemple des produits. Quand on parle de traçabilité des produits. On commence toujours par les matières premières. Comment est ce qu’elles sont sourcées? Est ce que c’est sourcé de façon éthique? Ensuite, quand on remonte la chaîne de valeur, la transformation de ces produits, est ce que les travailleurs sont ils payés correctement? Est ce que nous avons des mineurs? Dans quelles zones sont faites ces marchandises en termes de logistique? Voilà, tout est pris en compte dans la blockchain dans l’équipe dans laquelle moi je suis pour faire en sorte que ce soit éthique de A à Z.

Delphine Souquet [00:11:50] Donc on comprend que c’est complexe. Mais justement à la fois tu arrives à avoir une vision high level de ces sujets, mais connectée à une expertise.

Delphine Souquet [00:12:01] Terrain.

Delphine Souquet [00:12:02] Terrain.

Fatou Ndiaye [00:12:03] Exactement. C’est très bien expliqué. Oui, et c’est ça que j’adore aussi, c’est le fait d’avoir de voir les deux. Parce qu’en fait, si je reste juste du côté conseil, je ne vois pas l’impact direct du conseil que je donne. Tandis que le fait d’avoir des liens directs avec, grâce à la blockchain, à la traçabilité avec les partenaires qui sont dans ces zones? Ça permet vraiment de garder une oreille sur le terrain. Et qu’est ce qui se passe concrètement?

La règle du Chatham House de l’ESG Lab & Society

Delphine Souquet [00:12:26] Dernière question : la règle d’or Chatham House des conférences ESG Lab. Comment est ce que tu l’as définirais? Et d’après toi, qu’est ce qu’elle apporte pour la parole des décideurs?

Fatou Ndiaye [00:12:38] Moi j’adore quand je travaille dans des lieux, c’est d’avoir un lieu de confiance et de bienveillance. Et pour moi, la loi du Chatham House, c’est ça que ça crée ça crée un lieu bienveillant où chacun peut s’exprimer, où il n’y a pas de jugement. Et pour moi, ça, c’est la clé. Parce qu’aujourd’hui, dans cette salle, on n’aura pas tous le même point de vue et c’est ok l’objectif n’est pas qu’on en ressorte avec le même point de vue, mais qu’on ait chacun et chacune avancé dans la façon dont on comprend les sujets et la façon dont on peut s’exprimer sur ces sujets là.

Delphine Souquet [00:13:04] Merci beaucoup Fatou.

Fatou Ndiaye [00:13:05] Avec plaisir. Merci à toi, Delphine.

Pour en savoir plus sur les conférences de l’ESG Lab

Si vous avez aimé cet épisode vous aimerez certainement notre “regard croisé” avec Jeanne Sulzer, invitée aux conférences de l’ESG Lab & Society.

Credits : Interview et Photos @ESG Lab & Society, Editorial : 2goodmedia

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